Nous avions à la même période en 2012 tenté d’y voir un peu plus clair dans le genre Morchella. « Omnes Morchellae inter se nimis affines » remarquait Fries (si voisines entre elles que puissent se révéler toutes les morilles) cité par André Marchand dans son premier tome des champignons du nord et du midi (n°85 Morchella conica). L’article que nous avions écrit et illustré en 2012 s’était enrichi ensuite de remarques de Philippe Clowez avant que ce spécialiste ne publie dans le Bulletin de la Société Mycologique de France (SMF Tome 126 fascicules 3-4 2010 p.199-376) « Les morilles, une nouvelle approche mondiale du genre Morchella » .
Quand donc , le 8 avril 2018, nous avons rencontré près de bordures adossées à de la castine, sur un terrain par conséquent plutôt calcicole et ombré par des chênes et quelques charmes
ces morilles (ici alignées sur le sol après examen macroscopique in situ),
nous avons parcouru, au retour avec notre récolte, la littérature en ne perdant pas de vue que la nomenclature du genre évolue grandement. Il n’était pas inutile de relire le tome 1 de Marchand (85 M. conica, 86 M. conica var. costata, 87 M. conica var. deliciosa,88 M. conica var. intermedia, 89 M. elata, 90 M. esculenta, 91 M. esculenta var. crassipes, 92 M. esculenta var. rotunda) qui décrit là huit espèces. Bon (2004 p. 326) en cite 5 (rotunda,esculenta, vulgaris, costata, conica) et même 6 si on inclut Mitrophora semilibera puisque le morillon est aujourd’hui une morille à part entière. Courtecuisse&Duhem (2011) en dépeignent trois n°12, 13 et 14) et signalent plusieurs formes et variétés. Eyssartier&Roux (2011) examinent deux espèces et en citent d’autres dans les remarques. Ces ouvrages s’attachent à décrire des espèces européennes.
Il nous semblait, dans notre récolte girondine, avoir affaire à deux espèces différentes une petite très brune sans vallécule marquée proche de M. conica et une autre plus claire, plus éponge ovale à alvéoles profonds et à vallécule marquée.
La relecture attentive des près de deux cents pages de Philippe Clowez « Les morilles, une nouvelle approche mondiale du genre Morchella » nous plongeait dans la complexité et la perplexité. Après échanges amicaux avec l’auteur que nous remercions bien vivement pour son aide « nos » morilles (qui en fait avaient été repérées par un jogger qui nous avait amené aimablement sur les lieux de sa découverte), « nos », « ses » morilles « ressemblaient fortement à Morchella importuna » aux yeux de l’ami Philippe. A ce dernier nous avions envoyé (sans y nommer l’espèce comme ci-dessous) ces fiches macro-micro.
Nous faisions part à Philippe Clowez des dimensions sporales différentes pour ce que nous pensions être des espèces distinctes. D’après ce grand spécialiste » en vérité la sporulation des morilles est très compliquée pour certaines espèces comme par exemple Morchella vulgaris qui sporule juste avant de pourrir. La présence de spores de différentes tailles n’est pas rare ». Et il ajoutait: « Je l’ai constaté au micro avec cette même morille. »
Sur le site Mycocharentes on lira avec intérêt la fiche réalisée en mars 2018 par Patrice Tanchaud. Morchella importuna M. Kuo, O’Donnell & T.J. Volk y est synonymisée avec M. costata, M. elata ss. auct. On peut lire la même remarque sur Mycodb .
Michael Kuo qui a créé cette espèce la décrit sur mushroomexpert.com « une morille fascinante qui semble être limitée aux sites d’aménagement paysager, aux jardins … En Amérique du Nord elle est assez commune dans le nord-ouest où elle apparaît en milieu urbain à la fin de l’hiver et au début du printemps… » Il met en exergue son caractère saprophyte « … un bon candidat pour la culture comme M. rufobrunnea … » envisage-t-il notamment.
Le biotope, très urbain, de notre lieu de récolte va dans le sens des remarques à propos de cette espèce dont la dénomination latine mérite, selon nous, quelque attention. Importunus, a, um (adj.) renvoie notamment à brutal (cruel) qui tient de la brute; contrariant, de nature à contrarier; fâcheux, qui amène des désagréments; incommode, qui cause de la gêne; intraitable, inflexible; malencontreux, qui survient mal à propos ; impraticable; inabordable. Etonnant non!
M.P.
2 réflexions sur « Sur la piste de morilles « contrariantes » »