Dans une précédente chronique nous hésitions, en fin d’article, à déterminer une espèce, découverte sur tronc de chêne à terre, se présentant sous la forme d’une masse noire plutôt gélatineuse, une fois réhydratée ou par temps humide. La microscopie n’était pas facile à effectuer avec un échantillon que nous avions du mal à aplatir et qui « fuitait » entre la lame et le couvre-lame. Surtout, ce qui apparaissait sous l’objectif, spores supposées, hyphes etc. ne correspondait pas à ce que nous lisions dans la littérature correspondant à la microscopie d’une espèce macroscopiquement ressemblante. Une conversation, très récente, avec Jacques Guinberteau, suivie d’échanges avec notre ami mycologue, allait nous guider vers la solution. Merci Jacques.
Retour sur images
Nous découvrions donc le 7 avril 2020, dans notre rayon de 1 km de confinement, sur tronc de chêne à terre, sortant de son écorce, cette masse noire gélatineuse-sèche faisant vaguement penser à Exidia glandulosa.
Une fois « décortiquée », la base paraissait marron foncée un peu transparente.
Réhydratée, la masse était bien gélatineuse, cérébriforme en surface, et gagnait en transparence.
La microscopie (ci-dessous) effectuée début avril nous faisait (écrivions-nous alors) « apparemment exclure l’hypothèse du basidio Exidia glandulosa. »
« Elle nous orienterait » (poursuivions-nous dans notre ancien article) « vers les ascos, peut-être vers Cheirospora Botryospora mais vraiment sans certitude aucune. C’est là pour nous l’intérêt de la mycologie. Mener l’enquête, échanger, et apprendre encore. Humilité. » concluions-nous.
Images suivantes
C’était avant notre discussion avec Jacques Guinberteau mais, encore avant, nous étions revenu prélever quelques autres échantillons à l’aspect bien plus gélatineux car le temps avait tourné à l’humide.
La microscopie effectuée sur cette récolte du 22 avril laissait apparaître, après quelques balayages, de rares spores en forme de « saucisse » dites allantoïdes et des hyphes bouclées.
Nous avions vu et lu dans le tome 2 de Breitenbach numéro 21 la micro de Exidia glandulosa (extrait d’image dans montage ci-dessous) mais la recherche de basides semblait infructueuse avec notre récolte. Tout au plus quelques formes rondes-ovales esquissaient peut-être des basides.
Et puis à l’occasion d’un coup de fil pour prendre des nouvelles réciproques en ces temps de confinement nous évoquons, le 27 avril, avec Jacques Guinberteau, notre enquête et lui envoyons, à sa demande amicale les quelques éléments à ce stade de nos recherches. C’est alors que Jacques G. nous orientera vers Exidia glandulosa sp. Nous échangerons encore et, dans un de ses mails Jacques G. écrira: « Faut se méfier de toutes les propagules parasites (spores, etc.) que ces champignons collants ou gélatineux peuvent emprisonner! ».
Propagules
Vous savez bien sûr, chère lectrice et cher lecteur, fans de biologie, de botanique et de mycologie, ce que le terme propagules recouvre. Nous, avons appris sur Wiki que » Une propagule (du latin propagulum) est une structure de dissémination (propagation) et de reproduction. Cette définition, au sens large inclut aussi bien des structures végétatives que sexuées. Il existe de nombreuses définitions plus restrictives …
…Des propagules peuvent être émises par de nombreux êtres vivants (animaux, végétaux, bactéries, champignons, sous de nombreuses formes comme les spores, kystes … ) et être transportées passivement par le vent, l’eau ou activement par d’autres animaux, éventuellement sur de longues distances avec par exemple les oiseaux migrateurs… »
En bref, notre première micro nous avait fait voir des bouquets de spores qui n’appartenaient pas à notre champignon et des apparences d’asques ce qui est un comble, n’est-ce pas, pour un basidio. On dira que ça collait pas ou plutôt que ça collait trop! et, après avoir évoqué les propagules, Jacques G. écrivait: « Oui Michel, là ça colle nettement mieux! avec ce type de spores allantoïdes. »
Très peu de temps après nous nous remettions à l’ouvrage pour écraser entre deux lames un fragment d’hyménophore et feinter avec le couvre-lame pour rattraper l’infime morceau qui s’échappait dans son bain de Melzer et , là, les spores allantoïdes apparaissaient en masse. Leur dimension (voir ci-dessous) s’approchait de celle donnée par Breitenbach pour l’espèce (12-14×4,5-5µm) et Phillips (10-16X4,5µm). Chez les nombreux auteurs consultés au cours de nos recherches (voir bibliographie plus bas) nous avons retrouvé le terme cérébriforme pour décrire l’aspect macroscopique de l’hyménophore de cette espèce.
En outre nous avons pensé apercevoir une baside, pas très distinctement certes, mais rappelant le croquis (avant-dernière image) de la description chez Breitenbach.
De même, la spore de gauche (microscopie ci-dessous) rappelle une partie du croquis de la littérature Suisse.
Donc au terme de notre enquête, avec l’aide de Jacques Guinberteau pour indiquer la bonne piste en se méfiant des propagules, nous sommes donc bien en présence de l’Exidie glanduleuse et ça colle!
Michel Pujol
Bibliographie: Breitenbach&Kränzlin Tome 2 n°21; Courtecuisse&Duhem n°52 (édition 2011); Eyssartier&Roux page 1040 (édition 2011), page1072 (édition 2017); Borgarino&Hurtado page 64 (édition 2006); Bon page 324 (édition 2004); Phillips page 262 (France loisirs).
Notamment sur Internet: MycoDB , A.M.B. ; Myco Charentes
Extra l’histoire des propagules… toujours aussi motivé et intéressant , Michel Pujol. Merci pour cette page à rebondissements 🤗👍
À bientôt pour de nouvelles aventures.
Je publierai cette nouvelle chronique sur ma page Promenons-nous dans les bois, Shinrin -Yoku en souhaitant qu’elle y rencontre un succès bien mérité 🤗
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Merci Martine. On a jamais fini d’apprendre et c’est beaucoup ce qui nous motive. Partager est aussi un très grand plaisir. M.P.
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Bonjour, attention à l’évolution des noms :
L’Exidia glandulosa du Breitenbach et Kränzlin (1986) est ce qu’on appelle aujourd’hui Exidia nigricans = Exidia plana. Il vient très volontiers sur hêtre, et à l’allure de la surface d’une cervelle. Je constate que le Courtecuisse 2013 a gardé cette ancienne dénomination comme dans sa première édition de 1994.
L’actuel Exidia glandulosa, qui était appelé Exidia truncata en France, est l’espèce qui vient sur bois de chêne et qui est tronconique ou turbinée (en forme de toupie). C’est cette dénomination qui est employée dans le GEPR 2017.
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