En répondant à cette interwiew dont la synthèse est dans cette vidéo, j’avais aussi évoqué Cordyceps sinensis qui est récolté au Tibet et utilisé dans la médecine chinoise. Dans l’état actuel de nos connaissances, sur les corps des cueilleurs de ce champignon, n’émergent pas ces Cordyceps. De même, pour avoir manipulé à plusieurs reprises Cordyceps militaris qui parasite la Chenille processionnaire du pin, je n’ai, pour l’instant, fait front à un quelconque carpophore orangé ornant mon crâne. Alors prise de tête?
Prend-t-on les mêmes pour recommencer à peu de jours de distance? Nous parlons bien entendu du bois d’à côté. Le 6 janvier nous avions rencontré Judas ou plutôt son oreille. Ce 20 janvier nous la retrouvions en même lieu et place
Auricularia auricula-judae quasiment à l’identique comme si ces champignons s’étaient statufiés, très en creux, sans vraiment évoluer en quatorze jours.
Toujours là, mais elles remplacées par de nouveaux carpophores, les Amanites citrines
en moins d’une dizaine d’exemplaires sur notre parcours feuillus-résineux et, dans un endroit exploré sans succès le 6 janvier nous retrouvions, en décalé par rapport aux années précédentes, nos « tubes de l’hiver » Craterellus tubaeformis.
Ces Chanterelles bien reconnaissables avec leur chapeau épais et surtout leur pied tubulaire avaient poussé là en nombre
et non loin des tubes quelques « lumineuses » voisinaient avec leurs « cousines »
On retrouvait Craterellus lutescens de l’autre côté du chemin là où elles étaient déjà présentes en début du mois
et que chante l’hiver avec ses « tubes » et ses pousses plutôt … micro.
Les fêtes passent et les champignons trépassent? Que non et pas tous! En particulier Craterellus lutescens qui illumine aussi janvier. Pour preuve, le bois d’à côté où nous les retrouvons souvent en cette période.
Ainsi vendredi 6 janvier le temps clément permettait d’aller faire un tour vers la station où nous les avions déjà repéré et ce ne fut pas vraiment une surprise de les y retrouver.
Pas en grande quantité mais suffisamment pour les partager entre amis selon une recette toujours bien appréciée.
Autres espèces rencontrées.
Des oreilles de Judas sur leur sureau habituel où nous les voyons depuis quelque temps et observé qu’elles ne semblent pas avoir beaucoup évolué en quelques jours.
Autre espèce cette fois bien seulâbre un Bolet des bouviers qui, retourné, parait avoir fait les délices de quelque limace.
Les deux espèces ci-dessus restent bien anecdotiques en regard des chanterelles qui ont rejoint le … dessus du panier.
Quelles espèces rencontre-t-on quand le froid renforce ses effets sur la fonge à proximité de chez soi et dans d’autres endroits inhabituels? Revue de détails les 6 et 7 décembre.
Sentiers battus
Le 6 décembre, petit tour dans le bois d’à côté. Pas très loin du parking et de ses Coprins, sur les lieux où nous avions rencontré récemment Clavulina cristata et quelques Chanterelles.
Craterellus lutescens y était encore bien présente entre les aiguilles de pin et jusque dans la poche en plastique d’une promeneuse entre-aperçue sur « nos » sentiers, derrière les fougères.
Vues également, elles apparemment non cueillies par les promeneurs, quatre Coulemelles aux chapeaux bien épanouis. Pour le reste, pas grand chose ce jour-là sinon
quelques L. perlatum bien mûrs et sûrement moins d’autres espèces que les jours précédents.
Hors sentiers battus
Le lendemain 7 décembre, en compagnie de l’ami et expert, notamment en mycologie, Jean-Christophe Blanchard nous allions, hors de nos sentiers battus mais toujours en Gironde, nous rendre compte, s’il en était besoin, qu’en changeant de biotopes (1) et dans les mêmes conditions climatiques, la diversité fongique peut être au rendez-vous là et pas ailleurs. Certes nous n’avons pas de Pin laricio ni de cèdres, entre autres, dans le bois d’à côté et ceci peut expliquer cela: la trentaine d’espèces (2) rencontrées ce 7 décembre.
Des endroits très humides en contrebas de prés « fourmillaient » de sureaux et conséquemment d’Oreilles de Judas. Auricularia auricula-judae en masse (ci-dessus) sur un tronc épais et moussu à terre
ou plus mature pas loin de là.
Autre espèce assez courante, cette fois-ci sous cèdres, la Lépiote de Forquignon apparaissant en troupes.
Plus rare, le Tricholome de Batsch qui peut pousser à la fois sous feuillus et sous conifères.
Un autre Tricholome, celui-ci répandu dans les forêts de pins sur sol calcaire, le Tricholome terreux appelé aussi Petit gris et Charbonnier, ci-dessus chapeaux plutôt ouverts et ci-dessous plus serrés.
D’une brillance étonnante, cette Pholiote luisante se trouverait-elle au diable vauvert voire en enfer, foi de Lucifer…
Pour ajouter aux espèces rares rencontrées ce 7 décembre, voici, ci-dessus, Agaricus cuprobrunneus, l’Agaric brun cuivré.
Enfin, pour ce qui concerne les espèces dont les photos révèlent, selon nous, une grande beauté terminons cette galerie avec Leucopaxillus amarus certes amer et Lepista saeva au joli pied violet dit aussi Tricholome masqué, Tricholome sinistre et Tricholome des oies. Et n’est-ce pas, en ce moment, la période pendant laquelle nous voyons haut dans le ciel les grues et les oies migrer. En quelque sorte, les oiseaux migrateurs appuient sur … le champignon pour atterrir sur … les pistes?
Ce 18 janvier, autour de Bordeaux, quelques périodes de gel après « nos chanterelles qui enchantent autour de Noël » , le temps n’est plus à la récolte. Il n’en reste que quelques unes à dévorer … des yeux seulement. Cueillette microscopique par rapport à celle que nous avions faite en même lieu le jour de la Saint Sylvestre. Justement, nous nous contenterons, le lendemain, de ne les observer qu’au microscope (voir plus loin).
En effet, ces champignons de solide texture semblent résister à la froidure mais on observe que leur chair n’est plus aussi saine que dans leur jeunesse après gel. Les plis sont moins nets et quelques taches et points noirs sous le chapeau laissent suspecter quelques risques quant à leur consommation éventuelle. Les pousses fraîches sont rares. Autant tout écarter. Nous ne sommes pas sur la côte océane où le climat est plus tempéré et où Craterellus lutescens peut avoir encore de beaux jours devant elle.
Côté microscopie (planche ci-dessus), nos mesures des spores ovoïdes sont proches de ce que l’on peut lire chez Essartier&Roux: 8,5-12,5 x 6,5-8,5 µm (4ème édition p.614); 9,3-11,9×6,5-8,4 pour notre récolte. Comme l’indique Pierre Roux (Mille et un champignons p.1117) nous avons aussi observé des basides à (2) 4 spores.
Autre espèce de basidiomycètes résistante au froid encore présente ce 18 janvier, le Bolet des bouviers.
Ceux-ci semblaient, de loin, « tenir le coup » mais, en les soulevant, nous avons constaté leur état de tubes déliquescents.
En revanche, à côté d’un autre Suillus bovinus, au chapeau très mou imprimé par la végétation, se tenait un exemplaire au pied encore dur recouvert, à la base, de mycélium épais tout blanc et dont les tubes étaient encore un peu durs.
Nous empruntons le titre « Des champignons toute l’année » à l’ami Paul Pirot* car ce 19 janvier 2019, parti voir, à pied à Gradignan (33), dans le bois d’à côté si quelques Craterellus lutescens poussaient encore nous avons rencontré notamment, outre les Chanterelles, trois autres espèces. Mais c’est bien sûr l’ami Paul: toute l’année on en trouve des champignons! nous disions-nous, le bonnet de laine vissé sur la tête.
De petites taches blanches rondes de moins de deux centimètres de diamètre attiraient l’œil au pied d’ajoncs et sur leurs brindilles sèches. Des Crépidotes aux lames plus rosées sur le sec. L’examen des spores au microscope (cylindriques et verruqueuses) nous orienta vers Crepidotusvariabilis (cf; Eyssartier&Roux p. 986). Ce Crépidote variable poussait en nombre, toujours sur ajonc, en différents endroits.
Et puis, bien que ce ne soit pas encore le printemps, loin s’en faut, des … jonquilles. Vraiment l’espèce que nous rencontrons presque tout au long de l’année, à fleur de terre.
Notre but premier en ce 19 janvier était de retrouver quelques chanterelles et point de déception sur une station habituelle à deux pas de chez nous.
Un peu de patience et quelques coups de ciseaux plus tard la récolte plutôt proprette allait satisfaire le palais du soir avec un brin d’huile d’olive, un peu de sel, de poivre et d’ail non sans une réduction au micro-ondes avant passage à la poêle. Très sapides les lutescens.
Enfin, sur le retour avant de quitter le bois, ce magnifique Géastre s’offrait trois fois à notre vue à lui tout seul. Triple et troisième espèce outre les Chanterelles. Cela dit, nous avons ignoré les croûtes et autres aphyllos qui auraient abondé la liste. Pirot est bien le meilleur notamment à un titre: « Des champignons toute l’année » deux fois bien sûr.
M.P.
* Paul Pirot mycologue Belge que nous avions reçu en Gironde il y a une dizaine d’années et avec qui nous avions partagé amitié et mycologie est l’auteur du CD-rom intitulé « Des champignons toute l’année » édité en 1999. Vingt ans déjà et un précurseur des moyens « modernes » mis en œuvre pour le partage des connaissances mycologiques.
Faire sauter sans bouillir ? Poêle, casserole, cocotte ? Il est un outil pratique quand on s’adonne à la préparation culinaire de champignons. Cet outil, de plus en plus fréquent dans les cuisines et kitchenettes, sert davantage qu’à réchauffer un bol de café au lait ou de beaux restes sortis du réfrigérateur. Joint au couteau, à la brosse et au filet d’eau, il devient quasi incontournable quand on y a pris habitude et, puisque c’est un outil, quand on le manie à bon escient.
Le micro-ondes permet de faire évacuer l’excédent d’eau qui apparaît à la cuisson des champignons. Bien sûr, la technique de réduction par évaporation dans une casserole, une poêle a quelques vertus surtout si elle est accompagnée de patience donc de temps. Les espèces d’une certaine densité comme les cèpes, les girolles (quoique) n’exsudent pas intensément mais les pieds de mouton, par exemple, confinent au bain de pied qui fait bouillir alors qu’avec le micro-ondes les préliminaires concourent au résultat final du plaisir… gastronomique.
Avec un peu d’expérience on dosera le temps et la puissance du passage au micro-ondes, le principe étant d’éliminer de l’eau pour mieux cuisiner ensuite de manière traditionnelle. Cela induit qu’il faut vider cette eau de temps en temps et de ne pas laisser les champignons faire trempette dans l’eau rendue bouillante par cet « agitateur de particules ».
Voici un exemple d’utilisation avec des russules verdoyantes (Russula virescens) ou verdettes cueillies, nettoyées, cuisinées un 30 juin.
1 Dans un saladier en verre, les champignons frais (352 grammes) plutôt secs compte-tenu des conditions climatiques de cet après-midi du 30 juin quand ils ont été trouvés.
2 Dans le même récipient, les champignons nettoyés (grattés, pieds coupés à la base, passés sous un filet d’eau pour enlever les impuretés et cloportes puis coupés en morceaux (les champignons pas les cloportes). Il restait 344 grammes. Bien courte différence malgré l’élimination des parties sales ou « vilaines » qui s’explique par le fait que ce qui reste des virescens absorbe un peu du filet d’eau du nettoyage.
3 Après passage au micro ondes sans couvrir et à puissance maximum, deux fois une minute avec égouttage sommaire à chaque reprise, les russules avaient molli, réduit de volume et pesaient alors 297 grammes.
4 Un nouvel égouttage était nécessaire avant de les jeter dans la poêle, où l’huile (pas trop) avait chauffé, pour les cuisiner gentiment en les retournant amoureusement afin qu’elles dorent au soleil de la plaque chauffante. Pincée de sel, soupçons d’ail, persil frais in fine. Craquantes à la dégustation, sans trop tarder.