Après l’intérêt suscité chez les lectrices et lecteurs du Cercle des idées de Sud Ouest par Tout ce qu’il faut savoir avant d’aller chercher des cèpes (et en trouver) et sur notre site, nous vous invitons à poursuivre la découverte (ou peut-être une meilleure reconnaissance) d’autres espèces de ces champignons sauvages réputés comestibles.
Munis des quelques conseils de prudence évoqués lors du premier volet allons à la rencontre du Coprin chevelu (Coprinus comatus), une espèce goûteuse, comestible très jeune, qui ne laisse pas de poils sur la langue à la dégustation et méfions-nous notamment du Coprin noir d’encre toxique avec de l’alcool et admirons seulement la beauté du Coprin pie.
Le reconnaître ? Sur le montage photo ci-dessus le Coprin chevelu vieillit (de gauche à droite). Au début la silhouette est oblongue, les « mèches » du chapeau bien allongées et appliquées sur le revêtement externe. Le pied engoncé dans le chapeau paraît court à la base. Si vous tranchez alors le chapeau en deux vous verrez des lames blanches libres, serrées, dont la base commence à rosir. Puis ces lames vont noircir en même temps que les spores murissent, les « cheveux » blancs se détacher sur fond noir, le bord se retrousser, le pied s’agrandir par rapport à l’ensemble et le basidiophore finir en bouillie reproductrice. C’est la déliquescence. Sa fin ?
Non : cela peut être sa possible renaissance dans le sol nourricier « d’inhumation ». Les spores tombées à terre germent, donnent naissance à des mycéliums primaires qui, si de polarités différentes, s’accouplent en mycéliums secondaires lesquels se propagent en absorbant tous les nutriments à l’entour. Généralement d’avril à novembre, quand les conditions d’éclosion reproductrices sont favorables (masse mycélienne, hygrométrie, température etc.) une nouvelle génération de Coprins surgit, en bordure du mycélium enterré, alignés plus ou moins en arc de cercle.
C’est une espèce saprophyte qui se nourrit du substrat sur place. Il se plait dans les sols plutôt aérés et remués, riches en décompositions végétales, fumures. Aussi le trouve-t-on dans les prés, en bord de routes, terrains vagues, friches, décharges, pelouses récentes. On se gardera de le cueillir, en vue d’une consommation, dans les endroits pollués en particulier au bord de routes fréquentées par les véhicules à moteur car ce Coprin, comme d’autres espèces, concentre notamment le plomb.
Les êtres vivants (le règne des champignons en fait partie) sont surprenants et, pourrait-on dire, parfois facétieux. Celui-ci (ci-dessus) avait émergé il y a une dizaine d’années environ entre deux pavés autobloquants de notre propriété. Un « enfant unique » non issu d’une culture in vitro mais curiosité de Dame Nature. Dans ce cas on ne pouvait pas parler de sol engraissé sinon de sable sur un terrain plutôt argileux. Aucune autre « percée » identique ne s’est produite depuis.
Les terrains sableux, la proximité de feuillus ou de résineux (ci-dessus Coprin chevelu et épicéas) ne le dérange pas.
Ne pas confondre
Après l’avoir décrit ainsi que ses lieux et périodes de pousse tentons d’évoquer les confusions possibles bien qu’en matière de champignons on reste confondu par de trop fréquentes confusions souvent, il est vrai, liées à des appellations vernaculaires (locales). Le Coprin pie, à rejeter, café au lait éméché de blanc jeune (ci-dessus à gauche) évoque le port du Coprin chevelu. Plus âgé (à droite) il s’en différencie franchement et, par ses couleurs blanc et noir bien contrastées, rappelle le plumage de l’oiseau voleur ou qui chante selon les poches de bonbons du même nom. On ne le sucera pas d’autant que l’odeur est désagréable.
Boire et déboires
On entend souvent dire « pas d’alcool avec le coprin ». En fait nous n’avons jamais connu d’effet désagréable en arrosant en bouche avec modération nos coprins chevelus (accommodés comme on le verra plus bas) avec vins ou apéritifs divers. Ce n’est pas le cas avec son « cousin » le Coprin noir d’encre (Coprinopsis atramentaria) qui pousse le plus souvent en touffes dans pratiquement les mêmes biotopes (photos: ci-dessus Coprinus atramentarius var. squamosus et ci-dessous Coprinopsis atramentaria s.s.). Il est plus ovoïde puis conico-convexe.
Consommé accompagné d’alcool il est responsable de l’effet antabuse . Comme on le lira en suivant le lien précédent c’est particulièrement désagréable ce d’autant que cet effet perdure encore pendant 2 à 5 jours en ne buvant que de l’alcool sans le champignon encore à l’origine du syndrome coprinien avec ses effets cardio-vasculaires, malaise, céphalées, sueurs entre autres désagréments. Dévisagez bien les supposés chevelus avant dégustation !
Recette de coprins pour copains
Pour de vrais amis, vous avez quelques coprins (les vrais chevelus) encore jeunes, aux lames surtout et absolument encore blanches, ramassés le jour même et conservés non tassés au réfrigérateur.
Brossez délicatement les têtes des chevelus. Pas de poux mais un peu de sable à écarter.
- Coupez-les en deux dans le sens de la hauteur.
- Jetez les pieds et ne gardez que les demi-chapeaux.
- Un peu de fleur de sel et de beurre à votre goût dans le creux des demi-chapeaux.
- Passez 10 à 15 secondes à four chaud, plus de temps selon quantité.
- Au micro-ondes, c’est pas mal non plus.
- Très surprenant à l’apéritif
MICHEL PUJOL
Petite bibliographie :
A la poursuite des champignons
Régis Courtecuisse & Bernard Duhem Guide des champignons de France et d’Europe (2011 p. 32 et 61, n° 758 à 781)
Guillaume Eyssartier & Pierre Roux Le guide des champignons France et Europe (2011 p. 40, 922, 932 et 936)
Prochain volet: Les Girolles