Le premier volet de cette série évoquait notre rencontre avec T. melanosporum chez Guy Joui début 2008 à Monflanquin. Suite de ce focus sur plusieurs espèces du genre Tuber, objets de découvertes et aussi d’expositions. Aujourd’hui quelques notes sur la Truffe d’été et la Truffe de Bourgogne.
L’exposition de Mably à Bordeaux se tient en début d’année (annulée en 2019). En 2015 notamment, elle offrait aux regards du public (éventuellement à leur porte-monnaie) la Truffe du Périgord bien sûr mais aussi présentait d’autres espèces hypogées de la même famille (notre photo-montage de tête d’article).
Tuber uncinatum/Tuber aestivum
ou, un crochet par Chatin
L’espèce Tuber uncinatum , la Truffe de Bourgogne a été « créée » par Adolphe Chatin en 1887. Uncinatum fait référence aux bords des spores où le réseau d’alvéoles présente un aspect recourbé comme crochu. Chatin démarquait, décrochait en quelque sorte T. uncinatum de Tuber aestivum, la Truffe d’été, Truffe de la Saint Jean décrite par Vittadini en 1831. Pour faire court, deux espèces donc en 1887 qui ne faisaient qu’une en 1831. Petit épisode de l’histoire de la nomenclature qui, d’une manière générale, en mycologie, ne cesse d’évoluer.
Ci-dessus, une partie de la planche VII de « LA TRUFFE d’Adolphe CHATIN », ouvrage datant de 1892 réédité en 1984 aux Editions Slatkine. Il s’agit de Tuber uncinatum Ch. légendée ainsi: 1a Tubercule entier (de petite taille); 1b Coupe du même; 1c Verrues, grossies 3 fois; 1d, Tchèque, grossie 475 fois; 1e Une spore isolée, au même grossissement.
Dans sa description de T. uncinatum, Chatin écrit notamment : »Truffe grise de la Bourgogne et de la Champagne, l’une des Truffes dites musquées et Caïettes dans le Midi et le Centre de la France… Assez semblable au Tuber mesentericum et ayant comme lui des spores à la fois réticulées – alvéolées et pourvues de papilles, le Tuber uncinatum s’en distingue nettement par ses papilles recourbées en crochet, caractère que j’ai voulu rappeler en lui donnant le nom spécifique d’uncinatum (de uncinus, crochet). »
Ci-dessus, extraite du même ouvrage, une partie de la planche IX consacrée à Tuber aestivum Vitt. légendée ainsi: 1a Tubercule entier; 1b Coupe du même, 1c Une verrue, grossie deux fois, vue de champ; 1d, une verrue, vue d’en haut, montrant bien ses stries transversales; 1e Un sporange contenant 7 spores, vu à 475 diamètres; 1f Une spore, grossie 475 fois.
Comme pour bien démarquer la Truffe de Bourgogne de la Truffe d’été, Chatin écrit notamment à propos de cette dernière: « spores elliptiques, irrégulièrement alvéolées, de couleur bistre plus ou moins foncée; – papilles des spores nulle ou très courtes … Aliment autrefois assez recherché en Italie et dans le Midi de la France, quoique peu sapide et d’un faible arome se rapprochant de la levure de bière » fin de citations.
Lors de l’exposition de Mably point de T. aestivum … en janvier! Nous avions photographié en avril 2007 cette récolte confiée par notre ami Gérald Fourcade qui avait trouvé chez lui, à fleur de terre, ces Truffes d’été sous un noisetier.
Des années durant les spécialistes se sont posé la question: s’agit-il ou pas du même taxon, par exemple plus ou moins mature selon la saison ?
Quand on les différencie, on remarque que la Truffe de Bourgogne se récolte légalement entre le 15 septembre et le 15 janvier alors que la Truffe d’été ou Truffe de la Saint Jean (24 juin) est mature bien plus tôt. On évoque le créneau d’avril-mai à fin août, exceptionnellement fin septembre selon ce dossier bien documenté à propos de Tuber aestivum et de son intérêt culinaire. Pour ce qui est des dernières connaissances scientifiques à propos de T. aestivum versus T. uncinatum on lira avec le plus grand intérêt l’article récent de François Le Tacon consultable sur le site de Jean-Louis Cheype.
Dans une prochaine chronique, nous poursuivrons ce tour d’horizon de quelques espèces de Truffes, sujet à creuser s’il en est.